Composer pour le cinéma
Les différentes approches pour composer une musique de films
Qu'elle soit populaire ou pas la musique de films est étroitement lié à l'histoire du cinéma. La bande-son d'un film peut être tour à tour, dans des proportions inégales :
une série d'arrangements autour d'un thème unitaire, en guise de dédicace, pour accompagner le générique.
une réutilisation de thèmes préexistants (classiques, folklores, auto-citations, films à séries).
un amalgame d'airs et de colorations musicales destiné à renforcer l'idée sonore que l'on se fait du genre présenté à l'écran, comme par exemple, le jazz dans les films policiers.
une utilisation en contre-emploi musical, de loin, le plus intéressant, parce que le plus inattendu. Le discours musical commente d'une autre façon l'intérieur du film ; la musique ayant, ici, une fonction de révélateur profond et plus ou moins conscient du désir des auteurs dans leur travail.
Le montage et le metteur en scène
Au fil du temps les techniques de mixage ont changé. La prise en considération de la prise de son en direct amène le musicien à travailler autrement. L'orchestre n'est plus la finalité du compositeur. Seul compte le film dont on sait qu'il sera important et nouveau. Au début des années 1960 avec l'arrivée de la nouvelle vague, le cinéma français a imposé cette idée selon laquelle chaque film est une matière neuve et qu'il convient d'abandonner des habitudes trop lourdes. L'arrivée de metteurs en scène comme Malle, Truffaut, Godard, Rivette ou Chabrol aura confirmé la prééminence d'une disponibilité et d'un recul plus grand vis-à-vis de la loi des genres et de leur interaction. Le compositeur est moins extérieur à son propos et pour exécuter son travail, il est obligé d'être de plein pied avec le vécu du cinéaste.
Le compositeur commence à travailler sur un film, conscient de son handicap. Quand il est sollicité par un cinéaste, le musicien ne sait pas s'il aura les moyens de concrétiser son projet… ou plutôt, il sait, la plupart du temps, qu'il ne les aura pas. Le compositeur est aujourd'hui un homme de technique. Il participe de moins en moins de la multiplicité des arts. Les rapports qui gèrent la musique et le film sont placés sous le signe de l'aphasie. Inscrite dans la période de la post-production, la musique est en fait le premier regard extérieur qui vient se mixer à la matière du film. C'est avec le monteur que s'effectue le premier relevé de l'espace musical à l'intérieur du film. Soit la musique est considérée comme incidente, c'est à dire qu'elle vient en plus sur l'image et devient l'un des attributs extérieur du film ; le compositeur répond alors aux impératifs du film par son métier de musicien. ou bien la musique participe au discours général du film. Dans ce cas précis, elle relève beaucoup plus de la partition sonore, rejetant les alibis de l'harmonie/récit.
Quand en salle de projection, le compositeur découvre le film, il sent ou imagine un besoin de musique et déjà, se pose devant-lui un premier problème, celui du temps, du délai de création. Le compositeur doit dans ce contexte accomplir des miracles de précision et de décision. La multiplicité des sollicitations dues à la démultiplication des supports audiovisuels entraîne une accélération du rythme des productions. D'après une enquête réalisée dans les années 80, concernant deux cents compositions originales pour le cinéma et la télévision, un compositeur a, entre le moment de la première vision du film et la date d'enregistrement de la musique, un délai de quatre semaines maximum pour 60% des films produits. Seulement 10% des films tournés accordent un délai de dix semaines au compositeur. A noter que dans cette dernière catégorie, les délais impartis aux compositeurs se trouvent le plus souvent prolongés par un simple recul des dates de mixage de films et non pas par la seule volonté du metteur en scène.Le temps est donc avec la clause économique le principal moteur de la musique dans le film. Un laps de temps qui favorise les a priori critiques et qui stigmatise l'impuissance des compositeurs vis-à-vis de la perception de leur travail mixé à l'image.
Quand un compositeur a très peu de temps devant lui, celui-ci est livré à plusieurs tentations. La plus courante réside dans la répétition d'un style, d'une mélodie. Refoulé, le musicien en arrive à être fonctionnel, là où on lui demande une démarche originale. Fautes de temps, il n'étudie pas toujours le meilleur scénario musical pour le film qu'il doit traiter, mais consacre le plus clair de son temps à l'élaboration de thèmes. Si par bonheur, le compositeur trouve une bonne mélodie avec un débouché en dehors des impératifs filmiques et une satisfaction pécuniaire à la clé, cela ne sera pas pour lui déplaire. Le film devient pour lui, alors, la bande-annonce de sa chanson ou de son thème musical.
L'enregistrement de la partition musicale … le moment de vérité
Entre l'écriture du scénario et la sortie du film, des mois, sinon des années vont s'écouler. Le metteur en scène est souvent absorbé par le désir de la totalité de son travail et la nécessité du délai à respecter et son rapport avec le compositeur au niveau de l'écriture de la musique reste souterrain. A ce stade le musicien est tenu de s'exprimer avec des mots ou des idées. Son interlocuteur, absorbé par la post-production de son film, ne peut afficher une grande disponibilité. Tout le travail sur le montage est en fait une recherche de certitude. Le metteur en scène projette dès lors, avec son esprit et ses mots, la musique comme une manière de communiquer par la séduction. La musique est comme un coup de pinceau supplémentaire, soulignant tel ou tel caractère les courbes et les couleurs de son film.
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